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Date : 05-04-2024 21:09:01
«L’UE se tirerait une balle dans le pied en confisquant les actifs russes pour les donner à l'Ukraine» Le Figaro Article de Armin Steinbach • 9 h • 4 min de lecture
FIGAROVOX/TRIBUNE - Armin Steinbach, professeur de droit et d'économie à HEC Paris, s’oppose à la proposition d’Ursula von der Leyen d’utiliser les bénéfices des avoirs russes gelés pour armer l'Ukraine. L'UE serait plus durement touchée que les États-Unis par les représailles russes, argumente-t-il.
Qui oserait contester le bon sens moral d'une confiscation des actifs souverains d'un agresseur?
Le faire payer pour les dommages de guerre en lui prenant ses actifs semble juste.
C'est dans cet élan de moralité que le Conseil européen a décidé de saisir les «profits exceptionnels» réalisés par Euroclear, un organisme international de dépôts de fonds établi en Belgique et qui gère les actifs russes gelés.
Cela n'est que le début.
Certains pays, dont les États-Unis en première ligne, appellent à s'emparer non seulement des profits réalisés par Euroclear grâce à la gestion des actifs russes, mais aussi de tous les principaux actifs du pays.
Appel qui cache des disparités notables en matière d'impact financier. Si les États-Unis ont peu d'intérêts en jeu, pour l'Union européenne, ce serait se tirer une balle dans le pied.
Les représailles russes du fait d'une telle confiscation seraient en majorité ciblées contre l'Europe.
En effet, l'UE détient au moins 200 milliards d'euros d'actifs de réserve russes, une somme qui dépasse de loin le montant conservé par les États-Unis, qui s'élève probablement à quelques milliards de dollars seulement, sans compter la part minime des autres pays du G7.
Cela fait de l'Europe la cible la plus probable de représailles.
Le plus simple pour la Russie est en effet de confisquer les actifs détenus par les entreprises européennes, comme elle l'a annoncé à plusieurs reprises par le passé.
D'après les données de la Kyiv School of Economics, les entreprises n'ont retiré qu'environ un tiers de leurs actifs en Russie depuis le début de la guerre.
Le montant des actifs étrangers restants en Russie s'élève toujours à 285 milliards de dollars US, dont 105 qui appartiennent à des sociétés européennes, soit trois fois plus que les actifs en provenance des États-Unis (36 milliards d'USD).
Prendre au sérieux les avertissements russes de riposter pourrait conduire à un scénario dans lequel les entreprises européennes paieraient la facture du financement de l'Ukraine - et non les gouvernements.
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